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Un pauvre paysan du nom de Wang, ce qui signifie « roi » en chinois, vivait dans une misérable chaumière et ne possédait qu’un maigre lopin de terre dans la vallée du fleuve Weï.

Mais son cœur n’était pas aussi sec que sa terre et qu’il lui arrivait souvent de partager son maigre repas avec un vagabond ou des oiseaux de passage.

Une nuit, Wang entendit des bruits de voix et de pas, il saisit sa tunique élimée par le temps et s’habilla en hâte. Il sorti discrètement de chez lui et découvrit un groupe de huit personnes dans la clarté de la lune. Il resta caché à bonne distance, mais s’aperçut rapidement qu’il s’agissait des immortels et décida de les observer un moment.

Chang Kono Lao était à leur tête sur sa mule blanche et Tié Kouaï Li boitillait tranquillement derrière les autres avec sa béquille de fer.
Alors qu’ils se mettaient en route en cortège, Wang décida de les suivre espérant découvrir le chemin du Royaume des Immortels, où les festins quotidiens se déroulent dans l’insouciance et la jeunesse éternelle.

Les Immortels ne tardèrent pas à repérer sa présence et l’un deux dit: «Qu’allons-nous faire de ce mortel qui nous suit?»

Ho Hsien Kou, la magicienne répondit d’un ton magnanime: «Soumettons-le à une épreuve, s’il est prêt il pourra passer.»

Tié Kouaï Li fit signe à Wang et lui dit : «Mortel! Tu peux nous suivre dans notre royaume si tu remplis trois conditions: Tout d’abord tu devras marcher sur l’eau sans avoir de pensée impure et sans jamais te retourner. Penses-tu en être capable?»

Accéder au royaume des dieux lui donnait la force de réaliser n’importe quel exploit et il répondit par l’affirmative.

«Ensuite tu devras abandonner tout ce que tu possèdes sur cette terre sans aucun regret.»

Wang acquiesça de nouveau en jetant son sac et son bâton dans le fleuve, car c’était bien là l’étendue de toute sa richesse.

«Enfin la dernière condition est de loin la plus difficile à réussir. Tu devras boire une gorgée de ce remède, qui te permettra de purifier ton corps et le rendra léger comme une feuille.»

Wang eu un petit rictus car il ne voyait pas en quoi cette épreuve serait la plus difficile de toutes.

L’immortel dit alors au paysan «Tend moi le creux de tes mains».
Wang obtempéra et l’immortel y versa un liquide verdâtre, visqueux et nauséabond.
Écoeuré Wang eut un réflexe malencontreux, il écarta les doigts laissant s’écouler sur le sol le précieux breuvage et lava ses mains dans le fleuve de dégoût.

L’Immortel maugréa; «Misérable! Qu’as tu fait? Tu as gaspillé le précieux nectar d’immortalité ! Tu n’es pas digne de nous suivre au royaume des cieux, car tu t’es fié aux apparences!»

Wang réalisa ce qu’il venait de faire et supplia qu’on lui donne une seconde chance en tendant ses mains désespérément.

L’un des immortels se tourna vers lui et lui répondit avec bienveillance : «Ton autre chance pauvre Wang, tu l’as déjà ! Elle est au creux de tes mains, à toi à présent d’en faire bon usage durant le reste de ta vie.»

Les Immortels disparurent alors dans la brume comme ils étaient apparus, pendant que Wang restait à contempler ses paumes de mains de manière dubitative, car phénomène étrange; elles brillaient à présent comme deux lampes de jade dans la nuit.

La légende nous dit que Wang ne mis pas longtemps à découvrir quelle était le contenu de cette deuxième chance. Et rapidement, lui qui avait déjà un coeur si généreux, fut prit de compassion pour les personnes souffrantes. Il se mit à les soigner sans relâche, car ses mains avaient à présent l’incroyable pouvoir de guérir par le simple toucher.

Au fil des années, il en vint même à la conclusion que Ho Hsien Kou la magicienne qui sait tout, avait vraisemblablement prémédité tout cela et qu’elle avait voulu l’amener dans cette voie. Par ailleurs sa rencontre nocturne avec les immortels n’était finalement peut-être pas totalement fortuite ! Et ce lot de consolation était bien plus précieux, que celui de gagner de son vivant le domaine des dieux.

Malheureusement la légende ne nous dit pas, si au crépuscule de sa vie ses mérites en tant que masseur-guérisseur furent récompensés. Et s’il eut la satisfaction de rejoindre les immortels sur le chemin de la vie éternelle, mais son existence fut dès lors remplie de joie et de satisfaction.